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Projection – I’m Not Everything I Want to Be

– PROJECTION-DÉBAT SENSOPROJEKT –
Mardi 14 janvier 2025 à 20h

La séance sera présentée par Marta Ponsa – Responsable des projets artistiques au Jeu de Paume et commissaire d’expositions, et par Monica Regàs – membre de SensoProjekt

 

I’m Not Everything I Want to Be

(2024, dir. Klára Tasovská – 90’ – République Tchèque/Eslovaquie/Autriche)

Je me souviens des mots de ma mère comparant Bucarest à la Barcelone franquiste : « une ville en noir et blanc dans un pays sans couleurs ». Le monochrome s’est érigé au fil du XXème siècle en seul chromatisme des régimes totalitaires, qui plus est, comme c’est le cas dans la Prague des années 60 de la Libuše Jarcovjáková adolescente, quand les pellicules couleur viennent à manquer. Faisant de nécessité vertu, le noir est blanc devient pour la jeune photographe une seconde peau. Le dialogue ininterrompu avec la caméra va laisser éclore l’artiste et la femme en elle, tout en lui permettant de surmonter son propre désarroi. Car la jeune Libuše se bat plus contre elle-même que contre le monde qui l’entoure. Les pénuries, la mauvaise vodka, les appartements exigus qu’il faut partager avec la belle-mère conforment le seul quotidien qu’elle connaisse, si brutal et glauque nous paraisse-t-il, à nous, qui avons grandi de l’autre côté du Mur. Cette esthétique de l’ordinaire, elle va la faire sienne. Ce sera « sa patte ».

En revanche, la tristesse infinie qui émane de ses décors pragois vient d’ailleurs, si tant est que soi-même soit le pire des ailleurs. Photographiés comme des natures mortes (« stills », dit l’anglais), ces paysages urbains reflètent son paysage intime, ses états d’âme, au même titre que ses innombrables autoportraits. Le film conjugue les deux, l’intérieur et l’extérieur, Libuše et ses amis, ses amants, ses maîtresses, les parias, les roms, les exclus, les « misfits », Libuše nue, Libuše saoûle, Libuše au lendemain de ses avortements. Le dispositif filmique repose sur des milliers de photos (encore des « stills ») commentées en voix off par la propre photographe qui lit des extraits de ses carnets intimes. Le fait de rentrer simultanément par l’image, la voix et le texte dans l’intimité de l’artiste nous plonge littéralement dans les circonvolutions de son cerveau, dans sa fragilité, sa quête existentielle.

Le montage très serré, tout en rythme, nous submerge dans cette réalité si âpre. La réalisatrice Klára Tasovská et son coescénariste, sound designer et monteur Alexander Kashceev ont pris une réelle liberté avec les photos, montées souvent de manière sérielle, par rafales, de manière à suggérer une narration en images mobiles. Nous avons de ce fait l’impression de percevoir le monde à travers les yeux de Libuše Jarcovjakova et de partager avec elle son voyage à la recherche d’elle-même. Son voyage en solitude.

Monica Regàs

 

Réalisation: Klára Tasovská
Scénario: Klára Tasovská , Alexander Kashcheev
Producteurs: Lukáš Kokeš, Klára Tasovská
Coproducteurs: Jakub Viktorín, Ralph Wieser
Photographie: Libuše Jarcovjáková
Tournages additionnels: Radka Šišuláková
Sound Design: Alexander Kashcheev, Michaela Patríková
Montage: Alexander Kashcheev

Durée : 90 min